La réversibilité une solution durable pour la construction  

Il s’agit pour l’heure d’un sujet d’exception. Sujet très complexe allant du droit de l’urbanisme et de la construction, en passant par la sécurité incendie jusqu’au droit de la propriété. On parle d’un sujet sur lequel se sont déjà penchés de nombreux experts tels que des cabinets d’architectes, des juristes, des avocats et des notaires. 

Nous parcourrons ici les problématiques soulevées ainsi que les pistes de solutions architecturales et réglementaires. Par ailleurs, il sera intéressant d’envisager le rôle et l’apport du numérique dans la conception et la gestion de ces projets. 

Les défis architecturaux et juridiques de la réversibilité 

Au niveau architectural, il s’agit de concevoir puis de bâtir un ouvrage répondant aux normes d’utilisation, de sécurité et de confort d’usage « de base » et qu’il sera possible de faire évoluer en termes d’aménagement. L’ouvrage peut ainsi être destiné à accueillir successivement des logements, puis des activités tertiaires, le plan initial restant alors identique.  

Les mutations doivent pouvoir s’opérer à un coût minimum (donc délai minimum) avec des interventions situées le plus possible au niveau du second œuvre. L’historisation d’informations telles que les passages des fluides, leur circulation, les dessertes au sein de l’ouvrage sont stratégiques et le digital joue un rôle clé dans la bonne exploitation de l’ouvrage. 

Au niveau juridique, la réversibilité de l’ouvrage peut avoir des impacts importants sur le respect des PLU, le respect des intérêts des investisseurs, le respect des normes de sécurité, dont incendie ou encore la conformité aux contrats d’assurance.  

C’est également sur le permis de construire, document fondateur de l’ouvrage et son caractère jusqu’à présent unique et « gravé dans le marbre » que la réversibilité peut avoir des répercutions.  

Le développement de l’usage du permis de construire numérique peut-il d’ailleurs accélérer l’éclosion de nouveaux projets au sein d’ouvrages évolutifs ? 

Gestion de projet avec la plateforme KairnialLes pistes de solutions architecturales et réglementaires 

D’un point vue architectural, les maîtres mots sont : prévoir, anticiper, conserver ; rimant avec volume, sécurité, information et données. 

Au travers d’un récent rapport, l’AQC (Agence Qualité Construction) publie les principales précautions à prendre en compte et les bonnes pratiques pour mettre en œuvre la réversibilité, dans les différentes étapes du projet (programmation, conception, chantier, réception, livraison, etc.) et au regard des exigences techniques (acoustique, sécurité incendie, accessibilité, etc.). 

En découle une liste de prérequis pour mener à bien ce type de projet :  

  • Procéder à un suivi de chantier très précis, mené avec une extrême vigilance. 
  • Evaluer les moyens nécessaires (délais, coûts, ressources humaines) et adaptés au degré́ de réversibilité́ à atteindre, tout en assurant une visibilité sur le coût global de l’ouvrage :
    - Etablir un cahier des charges comportant la réversibilité,
    - Anticiper l’évolution future des besoins techniques. 
  • Engager des mesures conservatoires pour le respect des réglementations (incendie, accessibilité, sécurité, acoustique) en fonction de l’usage (tertiaire ou logements).  
  • Savoir qu’il pourra y avoir des conflits, en cas de chevauchement de responsabilités et de garanties, dans le but de pouvoir statuer sur les responsabilités lors d’un sinistre. 
  • Conserver une documentation exhaustive, précise et exploitable permettant de faciliter la gestion de l’ouvrage pendant toute sa durée de vie. 

D’un point de vue juridique : un cadre spécifique doit pouvoir faciliter la réversibilité des bâtiments construits comme le permis d’innover par exemple. Il fut d’abord limité à certains acteurs de la construction et à une zone précise (OIN Opérations d’Intérêt National). Il a pour origine la loi 2016- 925 relative à la Liberté de la Création, à l’Architecture et au Patrimoine (LCAP) du 7 juillet 2016. 

Le permis d’innover constitue une expérimentation prévue pour durer 7 ans à compter de la promulgation de la loi ELAN (Loi portant Evolution du Logement de l'Aménagement et du Numérique promulguée le 23 novembre 2018). 

Ses conditions d’application ont été étendues, de manière temporaire et limitée par l’article 5 de la loi 2018 -1021, à d’autres zones, les GOU (Grandes Opérations d’Urbanisme), les ORT (Opérations de Revitalisation du Territoire) et le Village Olympique Paris 2024.   

Un permis autorisant la réalisation de bâtiments réversibles pourrait-il être mis en place ? 

Afin de faciliter les évolutions de l’aménagement des zones urbaines, il semblerait pertinent qu’un permis accorde un droit pour une construction à usage provisoire (bureaux) et pour sa transformation en un état ultérieur et / ou définitif (logements). 

Cette réversibilité fait resurgir un enjeu de taille, à savoir être capable de verser lors du dépôt initial du permis, les plans correspondant à l’usage futur. Les plans déposés pour l’état dit « définitif » sont en effet susceptibles de faire l’objet de modifications au cours du temps et des aménagements du bâtiment. 

Il faudrait alors envisager un permis à « double destination », qui ouvrirait la possibilité d’autoriser deux destinations distinctes, mais sans contraintes dans le temps. 

La plateforme digitale comme mémoire de l’asset 

La base de données et d’échanges digitaux via les plateformes constituent alors la mémoire et le point de référence des intervenants présents et à venir.  

Grâce au digital le « squelette » architectural, les dessertes, les puissances disponibles en énergie et les réseaux des fluides et des circulations de l’asset seront toujours identifiées précisément, quelles que soient les apparences données par l’évolution de l’usage de l’asset. 

Le jumeau numérique donne alors à l’asset les bases de la durabilité, et ceci au plus grand bénéfice des différents acteurs : maîtres d’œuvres, propriétaires, utilisateurs, gestionnaires et même la collectivité.  

Utilisation de la plateforme Kairnial sur chantier

Sources : ORDRE DES ARCHITECTES, CEREMA et LEXCITY